A vous les mains sales
Boris Vian tenait autrefois dans Jazz Hot une revue de presse qui ne manquait pas de piquant dans laquelle il pointait, entre autres défauts de son temps, les inepties et les erreurs grossières des journalistes qui se hasardaient à parler de jazz. Il aurait encore fort à faire s'il était toujours de notre monde. Jacques Denis a quelque peu pris dans la relève dans Jazzman tous les mois dans sa rubrique "Lu, vu, entendu" mais il l'assure avec une distance et une ironie quasi silencieuse qui n'ont, probablement, pas tout à fait le même mordant. Je ne sais pas si, vous qui me faites l'honneur de me lire et de laisser, de temps à autre, un petit message qui témoigne que vous n'êtes pas insensible à l'existence de ce blog (je suis désolé que le temps me manque pour vous répondre), je ne sais pas, disais-je, si comme moi, vous vous méfiez de cette presse gratuite que l'on essaie systématiquement de vous fourguer entre les mains à l'entrée ou dans les couloirs du métro sous couvert de vous "informer". En tout cas, à chaque fois que j'ai l'occasion de feuilleter ces "gratuits" qui ressemblent plus à un JT de TF1 sur papier qu'aux quotidiens que j'achète, j'ai irrésistiblement envie de me laver les mains.
Je ne peux pas m'empêcher de constater que le niveau d'information concernant le jazz, quand on en parle, est souvent plus qu'approximatif, et la preuve m'en a encore été fournie cette semaine par A nous Paris dans un article censé présenter le concert organisé par le label BMC au New Morning ce jeudi. Le voici reproduit ci-après :
C'est une grande première à laquelle le New Morning nous invite [en l'occurrence, le New n'y est pour rien, c'est le label qui a monté cette soirée pour se faire connaître] jeudi 18 janvier : le label BMC (Budapest Music Center) présente ses deux grandes révélations [attention, ce n'est pas de la magie]. On connaît assez peu de compositeurs hongrois [faute avouée, faut à demi pardonnée... mais Liszt, Kurtag, non ?]. Le plus célèbre reste certainement Bela Bartok (1881-1945), dont le nom est associé à la musique contemporaine [il est mort quand, déjà, Bartok ?]. Depuis des années, le conservatoire Bela Bartok, à Budapest, accueille donc [notez le lien logique] des élèves qui apprennent tous les styles modernes, y compris le jazz. C'est le cas du chanteur et clarinettiste [oui, enfin, de la clarinette, il n'en joue quand même pas bien souvent], né en 1964 à Budapest, et acteur du long chemin qui a permis au jazz hongrois de se distinguer. Ces artistes ouvrent ici une nouvelle voie, moins axée sur le swing que sur des compositions savantes, à mi-chemin de la musique de chambre, du baroque [baroque ? Monteverdi, Pergolese, Corelli, Charpentier, vraiment ?] et du jazz.
La voix de Winand enrobe le disque "Opera Budapest", dont le compositeur est un autre Gabor, Gado, né en 1957 à Pecs, formé très tôt à la guitare classique, lui aussi diplomé du conservatoire Bela Bartok. Les Français le connaissent mieux que Winand car il est souvent apparu sur les scènes des festivals hexagonaux comme Souillac ou Crest, et, surtout, il est l'auteur de deux albums remarqués, "Modern Dances For The Advanced in Age" et "The Second Coming", passant d'un jazz folklorique à des ambiances atmosphériques, sonores [pratique journalistique : quand on sait pas trop, on reste dans le flou].
Ces trois oeuvres débordent de passion littéraire. Il n'est pas rare que les deux Gabor dédient leur pièces à des écrivains comme la poétesse Sylvia Plath, suicidée très jeune [elle l'a pas fait toute seule ?], ou le poète Ossip Mandelstam. Des références qui rendent la musique de ces jazzmen de l'Est aussi inventive qu'intelligente [il suffit d'avoir des lettres pour faire de la musique intelligente ? et Miles qui ne lisait jamais !]
Allez, comme dirait mon ami Xavier F., Keep Swingin' !